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La prévention du cybercrime: théories et applications


Comme son titre l’indique, la prévention du crime est au cœur de ce livre, mais pas n’importe laquelle, il s’agit plus spécifiquement de la prévention de la cybercriminalité. Le sous-titre du livre nous fait comprendre que non seulement les auteurs vont s’attacher à nous présenter les différentes théories qui ont bercé les recherches sur la prévention, mais aussi illustrer leur applicabilité dans le contexte de la cybercriminalité.



La particularité de ce livre n’est pas seulement de combler un manque dans la littérature scientifique sur la prévention de la cybercriminalité. Elle réside plutôt dans l’application possible de programmes de prévention ayant été testés empiriquement contre des crimes dits traditionnels à la cybercriminalité. Ce faisant, Russell Brewer, Melissa de Vel-Palumbo, Alice Hutchings, Thomas Holt, Andrew Goldsmith et David Maimon nous offrent des pistes de recherche et des pratiques inspirantes sur les façons dont la prévention du crime doit être repensées pour un monde en transformation numérique. Globalement, il existe peu de programmes de prévention de la cybercriminalité et peu d’entre eux ont donné des résultats concluants quant à leur efficacité. Les auteurs insistent donc sur la nécessité d’identifier et d’articuler des approches fondées sur les données probantes à la prévention de la cybercriminalité. Ce livre s’organise autour de sept programmes de prévention communément utilisée pour les crimes traditionnels et leur applicabilité à la cybercriminalité.


La première partie du livre aborde les interventions dirigées afin d’empêcher l’occurrence d’un crime, ce que les auteurs appellent le stade primaire de l’intervention, telles que la prévention situationnelle (PS) et les stratégies de communication. S’appuyant sur les théories du choix rationnel, la prévention situationnelle implique de changer l’environnement urbain ou commercial afin de rendre la commission d’un crime moins attirante pour les délinquants. Ce type d’intervention a été le plus abondamment utilisé dans la prévention de la cybercriminalité, notamment à travers les logiciels antivirus, les messages d’avertissement et les outils et logiciels formels de surveillance. Malgré cela, il existe peu de recherches empiriques sur la prévention situationnelle, et ce, en raison de l’absence d’un cadre théorique et d’unités de mesure universellement acceptées afin de mesurer l’efficacité de la PS dans le contexte de la cybercriminalité. Les stratégies de communication, notamment les messages communiqués dans les médias de masse (journaux, télévision, magazines, etc.) ont pour but de changer la perception des potentiels cybercriminels quant aux risques et récompenses du crime. Les auteurs notent que, tout comme les crimes traditionnels, bien qu’il existe des interventions de ce type dans le contexte numérique, il n’y a pas encore d’évaluation de leur efficacité.


La deuxième partie du livre examine quant à elle les interventions reliées au stade secondaire de la prévention, c’est–à-dire celles qui vont cibler des individus à risque de s’engager dans la criminalité. Les ateliers éducatifs, les programmes de mentorat et l’utilisation de messages de mise en demeure y sont abordés. Les ateliers éducatifs ont pour but d’éclairer des individus considérés à risque de commettre des crimes sur les conséquences du crime et de promouvoir des comportements positifs réduisant le risque. Pour l’instant ce type d’intervention n’a pas encore été déployé à grande échelle et il n’existe donc pas d’évaluation de leur efficacité. Les auteurs recommandent toutefois de prendre en compte l’importance de la pression de pairs en raison du rôle social de l’apprentissage en ligne de la criminalité. Le mentorat, quant à lui, met en avant la promotion des relations interpersonnelles afin d’orienter les jeunes dans leur développement social, émotionnel, cognitif et identitaire. Il n’existe pas encore de recherche sur l’utilité ou l’efficacité du mentorat ciblant les jeunes impliqués dans la cybercriminalité, mais les auteurs estiment que le mentorat serait mieux adapté aux interventions ciblant des jeunes ayant déjà commis des crimes. Enfin, les auteurs évoquent des tactiques plus coercitives impliquant l’utilisation d’avertissements et de mises en garde ciblées (message de mise en demeure) par la police afin d’avertir et de dissuader de potentiels délinquants. Ces mises en demeure ont été utilisées dans la prévention de la cybercriminalité, mais il n’existe pas encore d’études quant à leur efficacité. Les caractéristiques du délinquant ainsi que l’influence des pairs doivent être prises en compte lorsque l’on met en place ce type d’intervention dans le cadre de la cybercriminalité.


La troisième partie du livre explore le stade tertiaire de la prévention. Ces interventions, telles que les programmes de déjudiciarisation et de justice réparatrice, vont se concentrer sur des individus ayant déjà commis un crime afin de les empêcher de récidiver. La déjudiciarisation permet d’éviter les effets criminogènes des procédures de justice traditionnelle en les remplaçant par des activités de réhabilitation ou prosociales promouvant de meilleures attitudes et des comportements adéquats. En prévention de la cybercriminalité, la déjudiciarisation pourrait être utilisée afin de rediriger les compétences des jeunes délinquants vers des activités prosociales telles que la cybersécurité, en mettant en relation des professionnels de la sécurité avec des jeunes dans un programme d’emploi. La justice réparatrice offre, quant à elle, une alternative informelle au processus formel des tribunaux et implique de réunir le délinquant et sa victime pour discuter des dommages causés par le crime ainsi que des mesures pour y remédier et assister le délinquant dans sa réhabilitation. Tenir les délinquants responsables de leur crime permettrait de les réintégrer socialement et faciliter la réconciliation et la guérison. Étant donné la nature de la cybercriminalité, mettre les délinquants en présence de leurs victimes peut s’avérer une tâche ardue.



Le dernier chapitre résume les éléments-clés empiriques qui ont émergé tout au long du livre à travers l’analyse des différents types d’intervention de prévention et leur applicabilité au contexte numérique. Les auteurs notent que bien qu’il existe des interventions mises en place pour prévenir la cybercriminalité, l’insuffisance de données probantes quant à leur efficacité s’explique par le manque de méthodologie universelle et de mesures consistantes. Les auteurs recommandent donc de bâtir des études solides, s’appuyant sur des collectes de données innovantes tout en prêtant attention aux problèmes éthiques qui peuvent surgir (par exemple, porter attention à l’âge des individus qui feront l’objet des interventions). Une meilleure conceptualisation des études permettrait ainsi d’avoir des éléments clairs sur le programme de prévention, ses buts, la population ciblée, les limites des données et faciliterait la généralisation des résultats.


Brewer, R., De Val-Palumbo, M., Hutchings, A., Holt, T. J. , Goldsmith, A. et Maimon, D. (2019). Cybercrime prevention:Theory and Applications. Cham, Suisse: Palgrave.

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